Pour cette première contribution sur le site de “Green FI” il nous a semblé opportun d’emprunter à Mark Carney, ancien gouverneur de la banque d’Angleterre, le titre de son discours historique de 2015, “the tragedy of the horizon”. A n’en pas douter, Carney restera dans le l’histoire comme le premier des banquiers centraux et autres régulateurs à pointer la sous-estimation systématique des risques posés par le changement climatique, et leurs répercussions sur l’ordre du monde. Il écrivait alors ceci : “nous n’avons pas besoin d’une armée d’actuaires pour nous dire que les conséquences catastrophiques du changement climatique se manifesteront bien après les horizons traditionnels de la plupart des acteurs, imposant un coût aux générations futures que les générations actuelles n’ont pas d’intérêt direct à régler”.
Il y a là un résumé poignant de toute la tragédie de notre époque sur ces questions. Sur le continent africain, on estime entre 10 et 15 milliards $ les pertes annuelles liées au changement climatique. A côté de cela, l’avancée du Sahara est une réalité parfaitement documentée et une étendue d’eau comme le Lac Tchad a perdu 90% de sa surface en à peine 5 décennies. En conséquence, ce sont chaque année des millions de personnes qui, sur notre continent, sont déplacées par les nouvelles rigueurs du quotidien climatique et environnemental.
Mais la dialectique de l’éco-responsabilité se heurte parfois, en Afrique, à une forme de sentiment d’injustice, à rebours du principe du “droit au développement”. Il semblerait que la prise de conscience tardive des pays développés quant à la non reproductibilité de leurs modèles de développement se fasse au détriment des pays en construction qui, à l’évidence, n’auront pas le droit aux mêmes erreurs systémiques. Si le charbon et le pétrole ont construit la vieille Europe, l’avenir de l’Afrique ne pourra s’écrire que dans la décarbonation.
Face aux défis relatifs à la préservation de la biodiversité, au changement climatique ou encore à la lutte contre la désertification, nous avons créé, collectivement, le cadre de solidarité mondiale. Sous ce rapport, les conventions de Rio constituent des jalons majeurs attestant de la matérialité d’une culture mondiale de respect de l’environnement. Il existe donc aujourd’hui des politiques, des outils et des instruments devant permettre d’accompagner les trajectoires d’éco-responsabilité des pays en construction.
Mais un constat s’impose aux yeux de tout observateur averti, avec la force de l’évidence : le déficit d’information et de maîtrise des différents outils et mécanismes existants se traduit, en Afrique, par une sous-investigation manifeste des solutions qu’ils offrent. Quelques chiffres en attestent éloquemment : l’Afrique n’émet que 1 % des obligations vertes et génère à peine 2% de son potentiel en crédits-carbone. A côté de cela, il y a quelques initiatives éparses dont l’exemplarité gagnerait à être promue à l’échelle continentale.
C’est, quelque part, ce constat croisé qui justifie la naissance de la revue “Green FI”. La lettre grecque « Fi », suffixée au mot « Green« , dans le nom de cette initiative éditoriale, recouvre de multiples évocations. La première concerne la référence phonique à la Finance. La seconde est une évocation de la représentation symbolique de la philosophie avec comme corollaires les idées de changement de paradigme, de mindset et de modèles induits par l’écoresponsabilité. En effet, notre défi collectif, porté par cette prise de conscience, c’est de faire mieux avec moins. D’évoluer d’une société de puissance et d’excès pour rentrer dans une ère de tempérance et de mesure. En convoquant les expertises continentales les plus fines sur ces questions, il s’agira pour nous, tous les trimestres, d’apporter notre pierre à cette construction collective par un effort didactique visant à décompliquer méthodiquement les enjeux. En choisissant d’en faire un support bilingue adossé à une plateforme Web moderne nous souhaitons nous donner les moyens de devenir le carrefour éditorial du continent sur ces questions où l’intelligence collective est l’une des principales clés du succès.
GreenFi s’adresse donc à un large lectorat de décideurs publics, privés et non gouvernementaux constituant les parties prenantes, au sens large, des nécessaires évolutions systémiques à implémenter. Nous vous souhaitons une bonne visite sur le site de “GreenFI, la revue africaine de la finance verte”.